Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/123

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— Peuh, dit Fierce sans nier, celle-là ne compte guère. Je voulais parler des autres, — de celles qu’on ne paie pas, du moins officiellement.

— Peuh, répéta Malais, celles-ci ne comptent guère davantage. Vous devriez savoir leurs noms : ce sont autant de secrets de Polichinelle. La belle Liseron vous renseignera mieux que moi, et ses révélations seront probablement piquantes… »

Fierce haussa les épaules et se versa à boire.

— « Je préfère ceci, dit-il en élevant son verre, aux histoires de femmes.

— Vous avez raison, dit Malais ; c’est à la fois moins dangereux et moins bête. »

Fierce but.

— « Il n’y a rien de bête, dit-il en remplissant son verre vide. Il y a des cerveaux différents et des hommes dissemblables. J’aime ceci, — il frappa du doigt la bouteille qui sonna creux, — et cela, — il aspira une bouffée de sa cigarette ; — voilà pour moi. Mévil préfère les cheveux noirs ou clairs, les yeux verts ou violets, les seins roses ou bruns ; voilà pour lui. Vous, mon cher, vous êtes heureux des impôts à lever, des banques à gouverner, des emprunts a placer ; voilà pour vous. — Tout cela se vaut. Il n’y a rien de bête.

— Soit, dit Malais. Quand même, monsieur de Fierce, écoutez ceci : tôt ou tard, le tabac turc vous semblera fade et le vin frelaté ; tôt ou tard, vous verrez votre Mévil lâcher son cortège de femmes roses, brunes ou violettes, pour s’asseoir dans la