Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/132

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— À cent vingt mètres, » pensa Fierce. Mais il n’hésita pas :

— « Vous êtes trop charmant, j’accepte.

— À demain, » dit Ariette. Et il s’en alla le sourire aux lèvres. Beaucoup de gens admiraient son estomac, car il perdait au moins quatre mille piastres.

Fierce alluma une cigarette. Malais le considérait attentivement.

— « Je crains, dit-il, que vous ne soyez plus malade que je ne croyais. Mon remède n’a pas opéré. »

Fierce sourit.

— « Espériez-vous, dit Torral, le voir danser de joie devant son tas de piastres ? Trop civilisé pour ça, Fierce !

— Trop malade, répéta Malais. Incurable. »

Il tendit à l’enseigne sa main large :

— « Bonsoir, mon associé, tâchez d’avoir le cauchemar, c’est ce qui peut vous arriver de mieux.

— Vous rentrez si tôt ?

— Il n’est pas si tôt. Savez-vous que tous les matins, dès cinq heures, je suis à cheval sur la piste de steeple ? Rien de meilleur pour préluder à la besogne quotidienne. Bonsoir. »

Torral ricana.

— « Belle vie que la vôtre : avec tous vos millions, vous voici forcé d’aller au lit sans sommeil, précisément à l’heure où la ville devient aimable ! »

Le banquier se retourna :

— « Affaire de goûts, riposta-t-il. Vous dormez la jour et moi je dors la nuit : cela vous choque ?