Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/144

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Mlle Sylva venait à lui, guidant vers la victoria une dame à cheveux blancs dont les pas tâtonnaient.

Une aveugle ; sa mère, évidemment ; — un doux visage pâle et souriant, très beau malgré les paupières closes.

Mlle Sylva, attentive et tendre, porte les deux ombrelles et un manteau léger pour le crépuscule. L’aveugle monte en voiture ; la jeune fille l’aide et l’installe, puis, se retournant, aperçoit l’officier à quatre pas d’elle.

— « Monsieur de Fierce ! »

Une exclamation de franc plaisir. La petite main rapide se tend grande ouverte. Il y a présentation.

— « Maman, c’est l’aide de camp de M. d’Orvilliers. Monsieur, maman vous connaît déjà très bien, je lui ai énormément parlé de votre bateau, — et de vous… »

Fierce s’incline bas. Mlle Sylva ne songe plus à monter en voiture. Elle babille joyeusement, très contente de retrouver le cavalier qui lui a plu. Mme Sylva, qui juge la rue incorrecte en tant que salon, veut se lever pour recevoir le visiteur dans la villa.

— « Je vous en supplie, proteste Fierce, faites-moi la grâce de ne point me traiter en importun, et ne retardez pas votre promenade. Aussi bien, madame, n’ai-je aucun droit à être reçu par vous, car le hasard seul m’a conduit à votre porte : je ne savais pas que vous demeuriez ici.

— Le hasard nous a donc favorisées, réplique gracieusement Mme Sylva. Mais si vous ne voulez absolu-