Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/146

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théâtres, de restaurants de nuit et de lupanars, au plus haut d’une solitude alpestre, et respirer là, chastement, l’air vierge des glaciers.

… Et le sourire de Mlle Sélysette, et son babil, sont frais et caressent ; — et le calme visage de Mme Sylva, et sa voix, sont doux et apaisent.

M. de Fierce, ligotté de bien-être, et son cœur tièdement engourdi, ne parle point. La voiture contourne l’ancienne citadelle par des rues campagnardes, et passe l’arroyo au pont du Jardin. Le pont est désert, et désertes les allées rousses qui dorment entre leurs haies de bambous et de magnolias : Saïgon flâne et coquette à l’Inspection, et le Jardin n’a point de promeneurs avant le coucher du soleil.

Mlle Sylva questionne :

— « Vous connaissez Tuduc, naturellement ?

— Tuduc ?… — Fierce pour répondre s’arrache à sa molle quiétude ; — Tuduc ? non… »

Mlle Sylva s’écrie et s’indigne, scandalisée :

— « Vous ne connaissez pas Tuduc ! Mais, grand Dieu, que faites-vous, depuis quinze jours que le Bayard est à Saïgon ? »

Point facile à dire, ce qu’il fait !

— « Pas grand’chose de bon. Je sors toujours très tard ; mon saïs me mène où ça lui chante, — et c’est toujours l’Inspection…

— L’Inspection est insupportable, prononce Mlle Sylva, péremptoire. Il y a trop de voitures, trop de toilettes, trop de gens chics, dans cette bête d’allée toute droite où l’on ne peut pas même trotter. Et vous