Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/181

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cherchait, — Sélysette Sylva, — s’était d’abord détourné pour saluer des indifférents. Mais sitôt quelques paroles dites et quelques mains baisées, il avait, comme au hasard, choisi une chaise près d’elle. Mlle Sylva tenait encore sa raquette ; ses joues étaient pourpres et son front moite ; elle tendit joyeusement sa main chaude et gronda :

— « C’est comme cela que vous arrivez de bonne heure ! J’ai déjà perdu une partie sans vous. »

Il la contemplait, enivré de sa grâce et de sa jeune force. Confusément, il sentit qu’un grand fossé les séparait, — lui, le civilisé amer et sceptique, elle, la petite fille à l’âme fraîche. Il s’en attrista. Elle riait de bon cœur avec lui ; mais il la vit s’interrompre pour écouter un bon mot de Mévil ; et il sentit une angoisse jalouse lui sécher la gorge. Les ironies de Torral traversèrent alors sa pensée : amoureux ? Il s’interrogea, plein de trouble, et ne sut d’abord pas lire en lui-même.

On retournait au tennis. Mlle Sylva, gamine, frappa le filet de sa raquette :

— « Je parie que vous ne sautez pas ! »

Il oublia Torral.

— « Et vous ?

— Ne m’en défiez pas ! »

Elle rassemblait déjà ses jupes ; il la taquina, l’appelant petite chèvre, et regardant ses chevilles. Elle rit, très confuse.

— « Jouons-nous ? » proposa quelqu’un.

Marthe Abel se levait : Mme Malais restait assise.