Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/183

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— « Ready ! » criait Sélysette.

Mévil leva sa raquette pour servir. Piqué par l’indifférence de sa partenaire, il ambitionna de l’éblouir en jouant un jeu étincelant. Debout sur la pelouse pareille à un stade, et son bras brandi vers le ciel, il semblait un jeune dieu. Tous les regards suivaient son geste. Fierce vit Sélysette attentive, admirative peut-être ? — Il tressaillit dans toutes ses fibres ; ce coup d’œil qu’elle donnait à l’ennemi lui parut volé à lui-même. Une colère le traversa, et il serra sa raquette d’une main de duelliste ; il allait jouer comme on se bat.

— « Play ! » prévint Mévil.

Sa balle jaillit comme une flèche, et Mlle Sylva ne put la relever. Mais Fierce se mit en garde à son tour ; et la seconde balle, quoique plus vite que la première, fut reprise d’un coup si précis que Mévil l’abandonna.

Alors, ce fut un duel acharné. Les jeunes filles s’en mêlèrent à peine, déconcertées par l’ardeur et la rudesse des coups. Sous les aréquiers, on s’était tu, on regardait avec des yeux surpris, presque graves ; confusément, chacun devinait un mystère, une secrète partie à quoi le tennis servait de masque. Le jeu cependant continuait en silence ; et l’attention générale devint une gêne, presque une anxiété.

Les balles enjambaient le filet à bonds brusques ou traîtres. Mévil jetait les siennes aux angles, et s’attaquait surtout à Sélysette, moins forte que son partenaire. Cela faisait un jeu irrégulier et oblique, un jeu