Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/213

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— Oh ! oui ! » dit-elle.

Seul, Mévil erra dans le parc avant de partir à son tour.

— « Vilaine journée, » murmura-t-il.

Le banc de Sélysette et de Fierce était vide. Contre son tronc d’arbre, Claude Rochet bavant s’était endormi.

« Vilaine journée, » répéta Mévil. — Il s’en alla, triste comme un vaincu.

Sur leur banc, — le banc qu’un jour elle avait sauté d’un bond de petite fille, — Sélysette et Fierce, deux heures durant, avaient oublié toute la terre.

Ils s’étaient réfugiés là dès le commencement. Comme elle était jolie à miracle dans sa robe blanche enroulée d’une ronce fleurie, tout le monde avait voulu danser avec elle ; si bien qu’elle avait prétexté un pied tourné pour échapper aux importuns. La vraisemblance, dès lors, exigeait qu’elle ne quittât point son banc ; elle n’en avait pas la moindre envie.

Il s’était assis tout prés d’elle. Ils échangeaient des paroles banales, et se taisaient souvent, — leurs pensées distraites coupant leurs phrases en tronçons absurdes. Ils n’y prenaient pas garde ; leurs yeux amis se rencontraient, et ce langage en valait un autre. La nuit chaste grillonnait dans les arbres lourds de rosée ; les lanternes mal transparentes tamisaient sur le banc une clarté jaune de chambre. Le bal était loin ; on l’entendait à peine à travers les feuillages.