Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/247

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pour l’humecter d’une pluie vaporeuse, avant la pesée des gros fers chargés de braise. Chez le tailleur, les grands ciseaux coupaient toujours la même toile blanche pliée en six, pour bâtir plus vite les vêtements par demi-douzaines. Fierce entra chez A-Kong, son marchand préféré, et le vieux Cantonais accourut à sa rencontre, son large sourire fendant sa face ridée comme un citron. — Une tasse de thé, — vrai Fou-Tchéou, cap’taine ! — Et quoi vouloir ? Y en a arrivé de Hong-Kong ? Quoi faire les Anglais ? Quand se battre ?

— « Tu es es un vieux gredin, dit Fierce en riant. On ne se battra pas du tout. — Tu vas m’envoyer de la poudre de riz, du Champagne extradry, du Pedro Ximénès et des cordes de violoncelle. »

Tout de suite, A-Kong, confidentiellement, offrit une nouvelle qualité de papier de riz, — beaucoup excellent, — et des balles de tennis rouges et blanches, — bon pour voir par terre. — À propos, quoi y en a nouveau, cap’taine Malais, du côté Grand Lac ?

— Quoi donc ? l’impôt du riz ?

— Rien, rien… »

Le vieux, prudemment, parlait d’autre chose, détournant ses phrases avec une habileté de diplomate. Les Chinois, silencieux conquérants de l’Indo-Chine, ont tendu sur toutes les villes et tous les villages le réseau de leur négoce ; et merveilleusement informés par leur secrète franc-maçonnerie, ils flairent de loin les événements à venir ; si bien qu’au milieu des Annamites indolents et des Occidentaux étonnés, ils