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XXVI

L’Avalanche, une toute petite canonnière de vingt-cinq hommes d’équipage, appareilla deux heures avant le coucher du soleil, et remonta la rivière. Saïgon se cacha derrière ses forêts d’aréquiers, et seules, les deux flèches de sa cathédrale émergèrent longtemps de l’horizon, comme deux îlots pointus au-dessus de la mer des arbres. Le fleuve se pliait en méandres. Sur la passerelle, le pilote annamite indiquait de la main le chenal praticable, et parfois la canonnière serrait de près l’une des rives. On distinguait alors chacun des troncs pressés, et, entre eux, la terre marécageuse ; çà et là une rizière brillait verte parmi les arbres bruns ; des indigènes, sortis de quelques cañhas invisibles, regardaient silencieusement passer le bateau.

La nuit vint, sans crépuscule. Inquiet de sa route, Fierce mouilla au milieu du courant. Une senteur plus forte s’exhala des bois nocturnes, et le bruit sourd de la forêt emplit l’obscurité.