Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/276

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— Mais j’en ai peut-être à deviner, moi ? »

Elle se leva, hautaine, et chercha une sonnette.

— « N’appelez pas, fit vivement Mévil : je serais capable de vous manquer de respect devant vos boys. Achevons. Vous ne voulez pas m’épouser. Avez-vous pourtant de quoi faire la difficile ? Vous êtes pauvre comme une mendiante, vous le savez : espérez-vous rencontrer deux fois l’homme que je suis, prêt à vous prendre nue, prêt à payer les dettes de votre père ? »

Elle l’écoutait, les deux mains crispées l’une sur l’autre. Tout à coup, il la vit sourire, railleuse, orgueilleuse. Il s’arrêta court, une lueur dans son esprit.

« Niais que je suis ! Vous l’avez trouvée, votre dupe ! et voilà pourquoi… Qui est-ce ? qui ? »

Il cherchait furieusement, avec cette lucidité aiguë qu’on a aux heures de tension nerveuse.

Elle haussa les épaules. Son premier geste de colère réprimé, elle redevenait le Sphinx impassible, que les hommes ne savent pas offenser. Elle eut presque pitié de celui qui était là, bavant de rage devant elle.

— « Allez-vous-en, monsieur, » dit-elle simplement ; et comme il ne bougeait pas, elle fit elle-même deux pas vers la porte. Il osa porter la main sur elle, et la retint par un bras. Elle se dégagea, prompte comme un éclair, ses yeux étincelants dans son visage blême :

« Lâche ! cria-t-elle. Ah ! je n’avais pas tort en vous refusant tout à l’heure : je vous avais bien vu et bien jugé, sans courage et sans honneur, vil, flétri, ignoble ! Voilà, voilà pourquoi je ne veux pas de vous ; voilà