Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/290

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— Sur ce, rentrez chez vous, vous allez attraper un rhume ! Votre cercueil refroidit…

— Tais-toi ! cria peureusement une des femmes ; tu vas faire arriver un malheur ! »

Mévil poussa un grand soupir, et ses yeux glissèrent de droite à gauche.

— « Il s’en va… il t’a fait signe à toi aussi… »

Les chevaux alors avancèrent, avec un reste d’effroi.

— « Non ! non ! protesta violemment Hélène : pas par là, je ne veux pas.

— Quoi, pas par là ? fit Torral furieux soudain. Par où, alors ? Êtes-vous saoule, vous aussi ? »

Elle voulut sauter à terre ; mais il la retint rudement par le bras, et la voiture dépassa le mausolée, sans encombre. Mal rassurées, les deux femmes se cramponnaient à Fierce, qui leur semblait le plus brave. Lui s’était rassis silencieux, et Mévil, raide et les yeux toujours grands ouverts, gisait sur les coussins comme un cadavre.

Ils continuèrent leur chemin. Mais l’alerte avait claqué les chevaux, qui n’allaient plus qu’au pas, malgré le fouet. La route fut interminable. Par chance, l’orage s’était éloigné, et les étoiles luisaient entre les nuages. Ils s’endormirent peu à peu d’un sommeil écrasé, — rompus de fatigue, d’émotion, et ivres.

La nuit s’acheva. L’aube blanchit l’orient ; puis le soleil se leva sans aurore. La brise matinale souffla moins chaude. Une journée souriante naissait.

Fierce, le front caressé d’air et de soleil, sortit