Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/316

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la vie tolérable. Ah ! la vérité, la vérité toute nue ! Jolie chose avoir. — Mais habille-toi donc, putain !

Encore une heure à vivre, deux peut-être ; mais pas trois. Sûrement pas trois.

Beaucoup de lumières, sur le Cap. Les Anglais n’ont canonné que les batteries ; les villas sont toutes intactes. D’ailleurs, le feu a cessé au coucher du soleil.

Elle pleurera peut-être, demain. Rien de mieux à souhaiter, pour le moment. Plus tard, elle comprendra. Elle pardonnera, très bonne. Mon Dieu, il n’est guère coupable, en somme. S’il fut un civilisé, à qui la faute ? — La trahison de l’autre jour n’est rien, rien qu’un faux pas de sa route trébuchante ; et cette route-là, ce n’est pas lui qui l’a choisie. Non, pas coupable, ni méprisable. On lui a mis en mains, dès l’enfance, la terrible équation moderne, qui dégage et détermine l’x de la vie ; — l’équation de la vérité. Eh bien, il l’a résolue, intégralement, courageusement ; voilà tout. D’autres, moins probes ou plus lâches, seraient restés dans le bienfaisant mensonge. Lui en est sorti, parce que plus noble. Il n’a pas daigné faire le prudent partage de la théorie et de la pratique. Il a mis dans la vie la formule du laboratoire philosophique. Crime ? Non : naïveté. Mais le destin tartufe n’aime pas les naïfs. Et voilà pourquoi Fierce meurt.

Au fond, il y a là-dedans plus d’injustice que jamais les nihilistes n’en ont redressé à coups de bombes.