Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honorée d’offrandes et d’inscriptions. L’envergure d’un homme moyen est la mesure de son évasement. Frappant du doigt la paroi qui chante au moindre choc dans les six pouces de son épaisseur, longtemps je prête l’oreille. Et je me souviens de l’histoire du fondeur.

Que la corde de soie ou de boyau résonnât sous l’ongle ou l’archet, que le bois, jadis instruit par les vents, se prêtât à la musique, l’ouvrier ne mettait point là sa curiosité. Mais se prendre à l’élément même, arracher la gamme au sol primitif, lui semblait le moyen de faire proprement retentir l’homme et d’éveiller tout entier son vase. Et son art fut de fondre des cloches.

La première qu’il coula fut ravie au ciel dans un orage. La seconde, comme on l’avait chargée sur un bateau, tomba dans le milieu du Kiang profond et limoneux. Et l’homme résolut, avant de mourir, de fabriquer la troisième.

Et il voulut, cette fois, dans la poche d’un profond vaisseau, recueillir l’âme et le bruit entier de la Terre nourricière et productrice, et ramasser dans un seul coup de tonnerre la plénitude de tout son. Tel fut le dessein qu’il conçut ; et le jour qu’il en commença l’entreprise, une fille naquit.

Quinze ans il travailla à son œuvre. Mais c’est en vain qu’ayant conçu sa cloche il en fixa avec