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LA MAISON SUSPENDUE


Par un escalier souterrain je descends dans la maison suspendue. De même que l’hirondelle entre l’ais et le chevron maçonne l’abri de sa patience et que la mouette colle au roc son nid comme un panier, par un système de crampons et de tirants et de poutres enfoncées dans la pierre, la caisse de bois que j’habite est solidement attachée à la voûte d’un porche énorme creusé à même la montagne. Une trappe ménagée dans le plancher de la pièce inférieure m’offre des commodités : par là, tous les deux jours, laissant filer mon corbillon au bout d’une corde, je le ramène garni d’un peu de riz, de pistaches grillées et de légumes confits dans la saumure. Dans un coin de la formidable margelle, comme un trophée fait du scalp de la Parque, est suspendue une fontaine dont le gouffre ravit le pleur intarissable ; je recueille, par le moyen d’une corde nouée entre les claires mèches, l’eau qui m’est nécessaire, et la fumée de ma cuisine se mêle au ruissellement de la cascade. Le torrent se perd parmi les palmiers, et je vois au-dessous de moi les cimes de ces grands arbres