Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/53

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L’une et l’autre sont également des signes ; qu’on prenne, par exemple, les chiffres, l’une et l’autre en sont également les images abstraites. Mais la lettre est par essence analytique : tout mot qu’elle constitue est une énonciation successive d’affirmations que l’œil et la voix épellent ; à l’unité elle ajoute sur une même ligne l’unité, et le vocable précaire dans une continuelle variation se fait et se modifie. Le signe chinois développe, pour ainsi dire, le chiffre ; et, l’appliquant à la série des êtres, il en différencie indéfiniment le caractère. Le mot existe par la succession des lettres, le caractère par la proportion des traits. Et ne peut-on rêver que dans celui-ci la ligne horizontale indique, par exemple, l’espèce, la verticale, l’individu, les obliques dans leurs mouvements divers l’ensemble des propriétés et des énergies qui donnent au tout son sens, le point, suspendu dans le blanc, quelque rapport qu’il ne convient que de sous-entendre ? On peut donc voir dans le caractère chinois un être schématique, une personne scripturale, ayant, comme un être qui vit, sa nature et ses modalités, son action propre et sa vertu intime, sa structure et sa physionomie.

Par là s’explique cette piété des Chinois à l’écriture ; on incinère avec respect le plus humble papier que marque le mystérieux vestige. Le signe est un être, et, de ce fait qu’il est