Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/69

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extrémités de son bambou, devant lui, une grosse théière d’étain, derrière un paquet formé d’une botte verte d’appétits, d’un morceau de viande et d’une liasse de ces taëls de papier d’argent que l’on brûle pour les morts, un poisson pend au-dessous par une paille. La blouse bleue, la culotte violette éclatent sur l’or verni de l’éteule.

— Que nul ne raille ces mains oisives !

L’ouragan même et le poids de la mer qui charge n’ébranlent pas la lourde pierre. Mais le bois s’en va sur l’eau, la feuille cède à l’air. Pour moi, plus léger encore, mes pieds ne se fixent point au sol, et la lumière, quand elle se retire, m’entraîne. Par les rues sombres des villages, à travers les pins et les tombes, et par la libre étendue de la campagne, je suis le soleil qui descend. Ni l’heureuse plaine, ni l’harmonie de ces monts, ni sur la moisson vermeille l’aimable couleur de la verdure, ne satisfont l’œil qui demande la lumière elle-même. Là-bas, dans cette fosse carrée que la montagne enclôt d’un mur sauvage, l’air et l’eau brûlent d’un feu mystérieux : je vois un or si beau que la nature tout entière me semble une masse morte, et au prix de la lumière même, la clarté qu’elle répand une nuit profonde. Désirable élixir ! par quelle route