Page:Claudine a l'Ecole.pdf/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
claudine à l’école

jolie Aimée Lanthenay, qui me plaît autant que sa supérieure déplaît. Contre Mlle Sergent, l’intruse, je conserve ces jours-ci une attitude farouche et révoltée ; elle a déjà tenté de m’apprivoiser mais j’ai regimbé d’une façon presque insolente. Après quelques escarmouches vives, il me faut bien la reconnaître institutrice tout à fait supérieure, nette, cassante souvent, d’une volonté qui serait admirablement lucide si la colère ne l’aveuglait parfois. Avec plus d’empire sur elle-même, cette femme-là serait admirable ; mais qu’on lui résiste : les yeux flambent, les cheveux roux se trempent de sueur… je l’ai vue avant hier sortir pour ne pas me jeter un encrier à la tête.

Pendant les récréations, comme le froid humide de ce vilain automne ne m’engage guère à jouer, je cause avec Mlle Aimée. Notre intimité progresse très vite. Nature de chatte caressante, délicate et frileuse, incroyablement câline, j’aime à regarder sa frimousse rose de blondinette, ses yeux dorés aux cils retroussés. Les beaux yeux qui ne demandent qu’à sourire ! Ils font retourner les gars quand elle sort. Souvent, pendant que nous causons sur le seuil de la petite classe empressée, Mlle Sergent passe devant nous pour regagner sa chambre, sans rien dire, fixant sur nous ses regards jaloux et fouilleurs. Dans son silence nous sentons, ma nouvelle amie et moi, qu’elle enrage de nous voir « corder » si bien.