Page:Claudine a l'Ecole.pdf/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
claudine à l’école

pourtant, dans tout ce blanc, — non, pas belle ! mais ses yeux minces pétillent d’orgueil quand même. Au carrefour du Marché, on nous crie « Halte ! » Il faut nous laisser rejoindre par l’école des garçons, toute une file sombre qu’on a une peine infinie à maintenir en rangs réguliers ; les gamins nous semblent aujourd’hui fort méprisables, hâlés et gauches dans leurs beaux habits ; leurs grosses mains pataudes lèvent des drapeaux.

Pendant la halte, nous nous sommes retournées toutes les trois, en dépit de notre importance : derrière nous, Luce et ses congénères s’appuient belliqueusement aux hampes de leurs fanions ; la petite rayonne de vanité et se tient droite comme Fanchette quand elle fait la belle ; elle rit tout bas de joie, incessamment ! Et jusqu’à perte de vue, sous les arceaux verts, robes bouffantes et chevelures gonflées, s’enfonce et se perd l’armée des Gauloises.

« En marche ! » Nous repartons, légères comme des roitelets, nous descendons la rue du Cloître et nous franchissons enfin cette muraille verte, faite d’ifs taillés aux ciseaux, qui représente un château-fort ; et comme, sur la route, le soleil tape dur, on nous arrête dans l’ombre du petit bois d’acacias tout près de la ville ; nous attendrons là les voitures ministérielles. On se détend un peu.

— Ma couronne tient ? questionne Anaïs.

— Oui… juge toi-même.

Je lui passe une petite glace de poche, prudem-