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Poum !!! une fusillade qui éclate à la gare met debout nos institutrices.

Les cris du populaire nous arrivent en rumeur assourdie qui grandit tout de suite et se rapproche, avec un bruit confus de clameurs joyeuses, de piétinements multiples et de galopades de chevaux… Toutes tendues, nous guettons le détour de la route… Enfin, enfin, débouche l’avant-garde : des gamins poussiéreux qui traînent des branches et braillent, puis des flots de gens, puis deux coupés qui miroitent au soleil, deux ou trois landaus d’où se lèvent des bras agitant des chapeaux… Nous n’avons plus que des yeux pour regarder… D’un trot ralenti les voitures se rapprochent, elles sont là, devant nous, avant que nous ayons eu le temps de nous reconnaître, quand s’ouvre à dix pas de nous la portière du premier coupé.

Un jeune homme en habit noir saute à terre et tend son bras sur lequel s’appuie le Ministre de l’Agriculture. Pas distinguée pour deux sous, l’Excellence, malgré le mal qu’elle se donne pour nous paraître imposante. Même, je le trouve un peu ridicule, ce rogue petit monsieur à ventre de bouvreuil, qui éponge son front quelconque, et ses yeux durs, et sa courte barbe roussâtre, car il dégoutte de sueur. Dame, il n’est pas vêtu de mousseline blanche, lui, et le drap noir sous ce soleil…

Une minute de silence curieux l’accueille, et tout de suite des cris extravagants de « Vive le Ministre ! Vive l’Agriculture ! Vive la Républi-