Page:Claudine a l'Ecole.pdf/332

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yeux un peu mélancoliques se tournent complaisamment vers l’irrésistible Antonin. Bon ! Encore une fois pincée, ma sœur de lait ! Sous peu, j’entendrai des récits romanesques de rencontres, de joies, d’abandons… Dieu que j’ai faim !

— Tu n’as pas faim, Marie ?

— Si, un peu.

— Moi, je meurs d’inanition. Tu l’aimes, toi, la robe neuve de la modiste ?

— Non, je trouve que c’est criard. Elle croit que tant plus que ça se voit, tant plus que c’est beau. La mairesse a commandé la sienne à Paris, tu sais ?

— Ça lui fait une belle jambe ! Elle porte ça comme un chien habillé. L’horlogère met encore son corsage d’il y a deux ans.

— Tiens ! Elle veut faire une dot à sa fille, elle a raison, c’te femme !

Le petit père Jean Dupuy s’est levé et commence la réplique d’une voix sèche, avec un air d’importance tout à fait réjouissant. Heureusement, il ne parle pas longtemps. On applaudit, nous aussi tant que nous pouvons. C’est amusant, toutes ces têtes qui s’agitent, toutes ces mains qui battent en l’air, à nos pieds, toutes ces bouches noires qui crient. Et quel joli soleil là-dessus ! un peu trop chaud…

Remuement de chaises sur l’estrade, tous ces messieurs se lèvent, on nous fait signe de descendre, on mène manger le ministre, allons déjeuner !

Difficilement, ballottées dans la foule qui se pousse en remous contraires, nous finissons par