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claudine à l’école

qu’elle ne pense même pas à vérifier si je la surveille ; il plaisante avec elle, son accent de montagne sonore et rapide réchauffe la classe. J’inspecte mes ongles et je mets mes cheveux en évidence, car le visiteur regarde surtout de notre côté ; dame ! on est de grandes filles de quinze ans, et si ma figure est plus jeune que mon âge, ma taille a bien dix-huit ans. Et mes cheveux aussi valent d’être montrés, puisqu’ils me font une toison remuante de boucles dont la couleur change selon le temps entre le châtain obscur et l’or foncé, et qui contraste avec mes yeux brun-café, pas vilainement ; tout bouclés qu’ils sont, ils me descendent presque aux reins ; je n’ai jamais porté de nattes ni de chignon, les chignons me donnent la migraine et les nattes n’encadrent pas assez ma figure ; quand nous jouons aux barres, je ramasse le tas de mes cheveux, qui feraient de moi une proie trop facile, et je la noue en queue de cheval. Et puis, enfin, est-ce que ce n’est pas plus joli comme ça ?

Mlle Sergent interrompt enfin son dialogue ravi avec le délégué cantonal et lance un : « Mesdemoiselles, vous vous tenez fort mal ». Pour l’affirmer dans cette conviction, Anaïs trouve utile de laisser échapper le « Hpp… » des fous-rires contenus, sans qu’un trait bouge dans sa figure, et c’est à moi que Mademoiselle jette un regard de colère qui promet une punition.

Enfin M. Dutertre hausse la voix, et nous l’en-