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claudine à l’école

— Mademoiselle, vous seriez bien bonne de permettre à Mlle Lanthenay de me donner ma leçon ce soir au lieu de demain, parce que, demain, papa reçoit quelqu’un pour affaires, dans sa bibliothèque, et nous ne pourrions pas y rester.

Ouf ! J’ai débité ma phrase sans respirer. Mademoiselle fronce ses sourcils, me dévisage une seconde et se décide : « Oui, allez prévenir Mlle Lanthenay ».

J’y cours, elle met son chapeau, son manteau, et je l’emmène, trépignante de l’anxiété de savoir.

— Ah ! que je suis contente de vous avoir un peu ! Dites, vite, qu’est-ce qu’il y a de cassé ?

Elle hésite, tergiverse :

— Pas ici, attendez, c’est difficile de raconter ça dans la rue ; dans une minute nous serons chez vous.

En attendant, je serre son bras sous le mien, mais elle n’a pas son sourire gentil des autres fois. La porte de la bibliothèque tirée sur nous, je la prends dans mes bras et je l’embrasse ; il me semble qu’on l’a enfermée un mois loin de moi, cette pauvre petite Aimée aux yeux cernés, aux joues pâlies ! Elle a donc eu bien du chagrin ? Pourtant, ses regards me paraissent surtout embarrassés et elle est plus fébrile que triste. Et puis elle me rend mes baisers vite ; … je n’aime pas du tout qu’on m’embrasse à la six-quatre-deux !

— Allons, parlez, racontez depuis le commencement.