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chap. v. — ordre de bataille de l’armée.

d’ailleurs aucune règle positive. Lorsqu’elles avaient lieu à proximité de l’ennemi, elles devaient être ordonnées et dirigées de telle sorte que chacune des lignes ou des ailes, conduite par monts et par vaux et surmontant toutes les difficultés qui se présentaient sur son passage, restât sans cesse à portée de prêter secours au reste de l’armée. Ces marches devaient constamment être dérobées à la vue de l’ennemi, et si ce larcin restait quelquefois impuni, cela ne tenait qu’au seul fait que l’ennemi, astreint à la même unité inflexible, se trouvait de son côté dans les mêmes conditions défavorables et dangereuses.

Ce n’est que vers la deuxième moitié du XVIIIe siècle que l’on se rendit compte que placée en arrière de l’armée la cavalerie était aussi bien en situation d’en protéger les ailes qu’alors qu’elle était formée sur le prolongement même de l’ordre de bataille, et que d’ailleurs c’était se priver, en somme, des grands services que cette arme était en état de rendre, que d’en limiter exclusivement l’emploi à des escarmouches avec la cavalerie ennemie. Un grand progrès résulta aussitôt de l’application de cette vérité, car l’armée commença dès lors, sur toute l’étendue de son front, à se pouvoir fractionner en subdivisions de premier ordre ou unités homogènes, toutes semblables les unes aux autres et représentant chacune, dans des proportions moindres, la constitution même de la grande unité dont elles procédaient. L’armée cessa alors d’être une grandeur indivisible pour devenir un tout facilement fractionnable, et par conséquent essentiellement mobile et dirigeable. Le départ et la rentrée des détachements s’effectuèrent désormais sans apporter aucun trouble à l’ordre de bataille.

Telle est l’origine de la création de corps de toutes armes, formation dont la nécessité se faisait depuis