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les forces armées.

leuses, sur les rivages des mers navigables ou dans les fertiles vallées des grands fleuves.

Nous croyons avoir ainsi suffisamment fait ressortir l’influence générale que la question de l’entretien peut prendre sur la direction et sur la forme des entreprises ainsi que sur le choix des théâtres de guerre et des lignes de communications.

Quant au degré que cette influence peut atteindre, quant à la pression plus ou moins grande que la difficulté d’assurer partout le service des vivres peut exercer sur les plans et sur les décisions du commandement, cela dépendra toujours naturellement du plus ou du moins d’énergie qui présidera à la direction de la guerre. Là où cette direction, obéissant à la violence qui la doit caractériser en principe, cherchera la décision et la victoire dans des combats incessants, la question de l’alimentation des troupes, quelque importance qu’elle conserve d’ailleurs toujours, ne sera néanmoins jamais que subordonnée à l’action militaire, et celle-ci primera tout. Là au contraire où le manque d’énergie dans la direction laissera un équilibre tel s’établir entre les deux armées opposées, que sans atteindre jamais de résultats décisifs elles iront et viendront des années entières sur les mêmes contrées, là l’action militaire cédera nécessairement le pas au service des subsistances et celui-ci prendra forcément le rôle principal. Dès lors l’intendant deviendra le personnage important de l’armée, et la direction de la guerre se transformera en une sorte d’administration de roulage.

C’est ainsi que l’histoire relate un si grand nombre de campagnes dans lesquelles, en raison des préoccupations que le service des subsistances impose sans cesse à l’esprit d’un commandant en chef irrésolu, la dépense des forces, loin de conduire au but cher-