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les forces armées.

saura lui inspirer, ainsi que du patriotisme, de la valeur morale et de la force physique de la masse des éléments qui la composent.

Il convient toutefois d’établir en principe que le soldat doit toujours être convaincu, et qu’il faut lui inspirer d’avance cette conviction, que si haut d’ailleurs que puissent monter la misère et les privations qu’on lui imposera parfois, cette misère et ces privations ne seront jamais que passagères, et que c’est par elles précisément qu’il arrivera, sinon à l’abondance, du moins certainement à la satisfaction complète de tous ses besoins.

L’esprit peut-il, en effet, se représenter un spectacle plus émouvant que celui de tant d’êtres humains qui, mal vêtus, lourdement chargés, soumis à toutes les intempéries, exposant sans cesse et leur santé et leur vie, effectuent de longs jours durant les marches les plus pénibles sans avoir même parfois un morceau du biscuit pour assouvir la faim qui les dévore. Lorsque l’on considère combien fréquemment ce fait se présente à la guerre, on se demande comment de si terribles privations ne mènent pas plus souvent à l’épuisement complet des forces et de la volonté, et l’on a peine à comprendre que la nature morale de l’homme ait en soi des ressorts assez puissants pour soutenir de si prodigieux efforts.

Lors donc que pour arriver à de grands résultats on est dans la nécessité d’imposer de grandes privations aux troupes, il convient, et cela autant par prudence que par humanité, de ne jamais oublier qu’on leur devra, une fois ces résultats obtenus, la plus large compensation des efforts qu’elles auront faits ainsi que de la misère et des fatigues qu’elles auront supportées.

Il ne nous reste plus qu’à indiquer la différence que