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chap. ix. — la surprise.

grands points de formation exige, au préalable, l’établissement de dépôts et de grands magasins, et les troupes, pour s’y rendre, doivent exécuter des marches considérables, toutes choses qui ne se peuvent produire à l’insu ou sans éveiller l’attention des pays voisins.

Il ne peut donc être qu’excessivement rare qu’un État se laisse surprendre au début d’une guerre, parce qu’il n’a pas prévu l’attaque ou que, l’ayant prévue, il n’a pas deviné de quel côté elle allait se produire.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, alors que la guerre de siège était si fort en honneur, investir une place forte par surprise était regardé comme le suprême de l’art, et constituait le but des efforts réitérés de l’attaque. L’histoire ne relate, cependant, que de très rares exemples de réussite dans ce genre d’opérations.

Mais là où, par contre, l’action se peut produire d’un jour à l’autre, la surprise est bien autrement réalisable. C’est ainsi que l’on voit souvent, par une journée de marche gagnée sur lui, devancer l’ennemi sur une position, sur une route ou sur un point important.

Il va de soi, cependant, que ce que la surprise gagne ainsi en facilité, elle le perd en résultat, et que pour conduire à de grands succès, elle doit, en général, être exécutée sur une vaste échelle et coûter de grands efforts.

Alors qu’on étudie l’histoire à ce sujet, il faut aller au fond des choses et se bien garder de s’en tenir aux chevaux de parade, aux sentences favorites et aux phrases à effet des historiens critiques. Dans la campagne de 1761 en Silésie, ils attribuent, par exemple, la signification la plus erronée, au point de vue du résultat, à la journée de marche que le grand Frédéric gagna sur le général Laudon, en se portant, le 22 juillet, sur Nossen, près de Neisse. Ils soutiennent que le Roi empêcha ainsi la jonction des armées russe et autrichienne dans la