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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/262

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la défensive.

en deux parties pour menacer à la fois l’ennemi sur son front et l’attaquer sur ses derrières, c’est ce fractionnement même qui augmente les risques à courir. On a dès lors, en effet, à redouter que, concentré sur ses lignes intérieures, l’adversaire ne soit en situation de se jeter successivement et avec une grande supériorité numérique sur chacun des deux corps qui manœuvrent contre lui, et de les écraser ainsi séparément. Pour s’exposer sans folie à de si grands risques, auxquels dans certains cas rien ne saurait parer, il faut avoir l’appui de l’une des trois conditions suivantes :

1o Le fractionnement préexistant des forces en deux parties, qui porte à choisir ce mode d’action pour éviter de perdre du temps par des dispositions nouvelles.

2o Une grande supériorité physique et morale qui justifie l’emploi des modes d’action décisifs.

3o L’épuisement de la force d’impulsion de l’adversaire dès qu’il atteint son point extrême de pénétration.

Il est certain que l’irruption concentrique du grand Frédéric en Bohême, en 1757, n’avait pas pour but de combiner avec l’action de front une attaque stratégique sur les derrières de l’ennemi. En tout cas ce ne fut pas là le côté important de la manœuvre, nous le montrerons dans un autre chapitre. Il est clair, néanmoins, que le Roi ne pouvait avoir en vue une concentration de ses forces en Silésie, car il eût, par là, sacrifié tous les avantages de la surprise.

Lorsque les Alliés prirent leurs dispositions pour la seconde partie de la campagne de 1813, leur grande supériorité numérique leur permit de former le plan d’attaquer le flanc droit de Bonaparte sur l’Elbe, et de porter ainsi l’action générale de l’Oder sur ce nouveau fleuve. Ce n’est pas à ces dispositions générales, mais bien à de mauvaises dispositions stratégiques secon-