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chap. iii b. — grandeur du but et des efforts.

Pour atteindre aussi rapidement un pareil résultat, un souverain doit organiser, recruter et diriger lui-même son armée ; une république ne le pourrait faire.

Grandes ou petites, au moyen âge les monarchies faisaient la guerre au moyen d’armées féodales. Véritables confédérations, ces armées étaient formées de la réunion, en partie légale et en partie volontaire, des contingents amenés par les grands vassaux de la couronne. Dans ces conditions la durée des campagnes était naturellement très restreinte, et les opérations qu’on prévoyait ne pouvoir accomplir dans ces limites étaient considérées comme inexécutables. Basés sur la force du poignet et sur le combat individuel, l’armement et la tactique convenaient peu aux grandes masses. D’une façon générale, jamais à aucune époque le lien d’État ne fut plus relâché et le citoyen plus indépendant. Influencées et modifiées par cet état de choses, les guerres du moyen âge prirent un caractère spécial. Relativement très rapidement conduites, les temps d’arrêt y furent des plus rares et, comme on n’avait pas le temps nécessaire pour renverser l’ennemi, on se bornait à le châtier, et l’on rentrait chez soi après lui avoir pris ses troupeaux et brûlé ses châteaux forts.

Les grandes villes de commerce et les petites républiques du moyen âge eurent recours aux condottieri, force militaire coûteuse et par conséquent restreinte, et de valeur intrinsèque encore plus limitée. Quelle extrême énergie et quels grands efforts attendre de soldats de cette espèce ! Dans ces conditions, la guerre ne fut plus l’expression des sentiments de haine ou d’hostilité dont l’État était animé contre son adversaire, et, ainsi devenue une entreprise à forfait, elle perdit une grande partie de ses dangers et changea si complètement de nature qu’aucune des règles qui la régissent d’habitude ne lui fut plus applicable.

iii. 9