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chap. iii b. — grandeur du but et des efforts.

âge. Les expéditions que pendant cinq siècles les empereurs allemands ont constamment dirigées vers l’Italie, sans jamais parvenir ni chercher même à s’emparer définitivement de ce pays, offrent un sujet de méditations des plus instructifs à ce propos. On peut attribuer le phénomène à une faute sans cesse renouvelée par suite des idées fausses de l’époque ; il est cependant plus raisonnable d’en rechercher la cause dans un grand nombre de raisons puissantes que nous sommes parfaitement en état d’apprécier aujourd’hui, mais qui, à l’époque où elles se sont produites, ont dû s’imposer avec beaucoup plus d’autorité encore. Aussi longtemps que les États sortis de ce chaos ont eu à travailler à leur concentration et à parfaire leur unité, c’est à ce grand résultat qu’ils consacrèrent leurs forces et leurs principaux efforts ; il y eut donc alors peu de guerres extérieures, et ces guerres trahissent le manque de maturité de l’unité des États.

Bien que la France fût moins encore une monarchie véritable qu’une confédération composée de duchés et de comtés, et que, déjà plus unie mais troublée à l’intérieur, l’Angleterre ne comptât pareillement dans ses armées que des contingents féodaux, les guerres des Anglais contre les Français sont les premières que l’on rencontre dans l’histoire de cette époque.

Sous Louis XI la France fit le plus grand pas vers son unité ; sous Charles VIII elle apparaît comme puissance conquérante en Italie ; sous Louis XIV, enfin, son État et son armée permanente atteignent le plus haut degré de perfection.

L’unité de l’Espagne commence sous Ferdinand le Catholique ; par des alliances matrimoniales inattendues, Charles-Quint réunit tout à coup sous son sceptre l’Espagne, la Bourgogne, l’Allemagne et l’Italie. Cette