Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, III.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
chap. viii. — but restreint. — défensive.

la rapidité de l’opération et, une fois maître de la place, s’en servir contre eux comme d’un ouvrage avancé, une sorte de contre-approche à la reprise de laquelle ils eussent dû consacrer le reste de la campagne et peut-être même la campagne suivante. Il n’y put réussir cependant, et, renonçant dès lors à toute offensive effective, il se résolut à prendre une position concentrée au milieu de ses États, en Saxe et en Silésie, à utiliser les lignes intérieures pour se jeter avec la totalité de ses forces sur les points menacés, à éviter autant que possible toute grande bataille et, bornant ses entreprises aux petites invasions que les occasions pourraient favoriser, à voir tranquillement venir les événements et à réserver ses forces pour des circonstances meilleures. Son action devint ainsi de plus en plus passive, il ne chercha plus qu’à gagner du temps, à conserver ce dont il était encore en possession, et, poussant l’économie de ses forces aux plus extrêmes limites, il ne craignit même pas de recourir au système défensif du cordon. C’est bien là le nom, en effet, que l’on doit donner aux positions que prirent alors le prince Henri, en Saxe, et le Roi lui-même dans les montagnes de Silésie. Dans ses lettres au marquis d’Argens, on voit avec quels regrets Frédéric II dut renoncer à ses quartiers d’hiver, et la joie qu’il éprouva quand il les put enfin prendre sans avoir éprouvé de pertes trop sérieuses.

Si cependant on ne voulait voir en cela que du manque de caractère et d’énergie de la part du Roi, on se tromperait fort et l’on porterait le jugement le plus inconsidéré. Il est certain que le camp retranché de Bunzelwitz et les positions prises par le prince Henri, en Saxe, et par le Roi, dans les montagnes de Silésie, ne constitueraient pas de nos jours des dispositions suffisantes pour la sûreté d’une armée, et qu’un Bonaparte,