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chap. ix. — renversement de l’ennemi.

ses 65 000 hommes, en effet, Blücher n’en avait encore que 27 000 sous la main, et, des 200 000 hommes de l’armée principale, 100 000 à peine purent prendre part à la bataille. On ne pouvait offrir plus beau jeu à l’adversaire, et l’on dut enfin reconnaître l’impérieuse nécessité d’une forte concentration.

De toutes ces considérations il résulte que, bien que l’attaque convergente comporte en soi des résultats supérieurs, c’est la répartition préexistante des forces qui doit surtout décider de son emploi, et que l’on trouvera rarement l’occasion rationnelle de la préférer à l’attaque simple et directe sur le centre de puissance de l’ennemi.


3o L’étendue du théâtre de guerre peut aussi motiver le fractionnement des forces.


Quand, partie d’un point unique, une armée envahissante avance avec succès sur le territoire de l’ennemi, elle commande toujours sur ses derrières, indépendamment des routes qu’elle suit, une certaine étendue de terrain dont les dimensions dépendent, si nous pouvons nous servir de cette expression, du plus ou moins de densité de l’État envahi. S’il s’agit d’un État sans cohésion, d’une nation efféminée et peu guerrière, par le fait même de sa marche en avant, l’armée envahissante couvrira de larges espaces, mais, par contre, si le peuple est brave et fidèle, elle ne conservera derrière elle qu’un triangle plus ou moins étroit.

Pour obvier à cet inconvénient, l’envahisseur éprouve le besoin de donner une certaine étendue à son front de marche, disposition dans laquelle il ne peut persister, dès que l’ennemi a concentré ses forces sur un point, qu’aussi longtemps qu’il n’est pas entré en contact avec lui. Lorsque l’attaque recourt à ce moyen, elle doit donc