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passage des rivières.

même à une véritable catastrophe. Comme il est incontestablement plus facile de forcer le passage d’une rivière que de vaincre en bataille rangée, en recourant à ce procédé dans ces conditions, le défenseur rendrait la victoire plus facile à son adversaire.

5. De tout ce qui précède il résulte que, si la défense des cours d’eau est très efficace quand l’attaquant ne recherche pas de grandes solutions, dans toutes les circonstances où la supériorité ou l’énergie de celui-ci laisse supposer le contraire, ce procédé de résistance employé mal à propos peut tourner au désavantage positif du défenseur.

6. Il est peu de lignes défensives fluviales que l’on ne puisse tourner en grand par l’une de leurs extrémités ou forcer en quelque endroit de leur parcours. Un attaquant supérieur en nombre et recherchant les coups de vigueur est donc presque toujours en situation de faire une démonstration sur un point et de passer sur un autre, car sa supériorité numérique lui permet de risquer la chose, lors même qu’après avoir effectué le passage il lui faudrait d’abord, et pendant quelque temps, combattre dans des conditions désavantageuses. Il en résulte que, dans le sens littéral du mot, exécuter tactiquement le passage de vive force d’un cours d’eau, en repoussant de ses rives l’un des grands postes de l’ennemi chargés de le défendre, constitue une opération si rare qu’on la doit à peu près tenir pour irréalisable, et que, toutes les fois qu’on entend citer le fait, il le faut considérer comme le résultat d’une action stratégique dans laquelle l’attaquant, fort de sa supériorité numérique et bravant tous les désavantages dans lesquels il pouvait tomber, est parvenu à surprendre son adversaire en un endroit peu ou point défendu par celui-ci. En pareille occurrence, ce que l’attaquant peut faire de plus dangereux c’est de