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l’évolution

plan de composition des animaux, fit apparaître que, si cette vue peut résulter de l’observation des vertébrés adultes, elle se trouve embrasser tout l’ordre de la vie animale dès qu’on interroge les phénomènes de l’embryogénie. Je ne vais pas me perdre dans l’histoire de la fécondation et des phénomènes qui en dérivent. Mais il m’est impossible de ne pas prendre acte, au passage, de la loi dite de patrogonie, formulée en ces termes par l’école de Geoffroy Saint-Hilaire : « l’embryogénie d’un animal n’est que la répétition abrégée de sa généalogie ». La formule est sans doute trop absolue parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte des évolutions de toutes composantes. Mais n’est-ce pas assez qu’on retrouve dans l’évolution synthétique de l’embryon l’étroite conjugaison des évolutions antérieures ? J’en ai déjà pris note en parlant des similitudes d’embryons divers (homme compris) invoquées par Haeckel, et je n’ai pas manqué de dire que cela ne signifiait pas, pour l’embryon humain, une complète succession de passages à travers la série des formes précédentes. Cependant, Cuvier lui-même, avec sa loi des « corrélations organiques », ne serait pas admis à contester la signification décisive du parallélisme d’évolutions généalogiquement antérieures et des états présents d’évolutions acquises.

Ainsi, l’espèce, ou si vous voulez, le groupe de similitudes rapprochées par notre classement, se meut ou évolue entre deux puissances inégales, nécessaires pour constituer le mouvement. L’une, la conservation héréditaire des formes qui tend à maintenir l’individu dans sa morphologie. L’autre, l’instabilité de ces mêmes conjugaisons, héréditaires, entraînées, par la loi des moindres résistances, à des enchaînements de formations nouvelles.

Nous posons le principe d’activité évolutive tel que nous le pouvons concevoir aujourd’hui après Lamarck et Darwin. On ne peut pas s’attendre à ce que l’un ou l’autre s’y soient arrêtés tout d’abord. Il leur a fallu s’engager bravement, hache en main, dans des fourrés d’hypothèses, en vue d’interprétations soumises au contrôle des observations. On ne peut pas me demander de les suivre dans cette laborieuse entreprise où je m’embarrasserais inextricablement. Le lecteur qui veut pénétrer jusqu’au tuf trouvera toutes facilités dans de nombreux ouvrages. Je ne saurais ici que dégager des sommités d’indications.