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CHAPITRE IV

LES DIEUX, LES LOIS

La nuit lointaine des aïeux.


Comme les guerriers nés des dents du dragon, nous avons vu les Dieux jaillir tout armés des premiers frémissements des sensations humaines en voie de se concréter dans la gestation des pensées. De rechercher les éléments de cette primitive histoire, il n’est point de moyens au delà de prudentes inductions fondées sur ce qui s’est pu sauver du naufrage des temps. Pour la reconstitution historique des humains et de leurs Dieux (du même sang), ces chapitres de nos annales sont ceux qui devaient nous échapper le plus aisément. Quelles lumières sur l’homme de nos jours et sur ses théologies, si nous pouvions trouver quelque aide-mémoire de nos obscurs ancêtres, et noter au, passage les premiers sursauts des Divinités qui s’élancèrent de leurs lèvres sur l’aile des mots enchantés !

Tout cela, c’est la nuit, la nuit lointaine des aïeux. L’homme était encore trop près de l’existence animale pour se hausser jusqu’à l’observation de lui-même et du monde, ou même nous transmettre quoi que ce soit de ses vagues sensations. Des temps incalculables allaient s’écouler avant que s’offrît le propos de consigner le souvenir de pensées que l’oubli dispute désormais aux tardives déviations de l’histoire.

Les hommes, nous retrouvons leurs traces sur l’écorce du globe, en remontant le cours des âges. Leurs vestiges, leurs œuvres, parlent encore, sans être en état de nous dire tout ce qu’exigerait notre besoin de savoir. Que sont devenus les échos