Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
RÊVER, PENSER

où des commencements de détermination se trouvaient de méprises à reconnaître un jour ? Tout l’avenir était dans l’élan de recherche, et, en ce sens, l’erreur rectifiable était de même provenance, et j’oserai dire, de même effet provisoire que la rencontre d’une vérité chanceuse qui ne s’en pouvait distinguer.

« Rectifiable », ai-je dit ? C’est le correctif nécessaire. Car si l’erreur devait être immuable, nous ne serions pas même une forme d’animale mentalité. Nous sommes les Humains, moins par la valeur intrinsèque d’un moment déterminé que par le développement d’animations supérieures, dans l’inconnu d’un devenir en suspens. Tous les problèmes de l’homme y sont inclus. C’est le drame de notre existence, puisque nos tragiques agitations se résument en une lutte perpétuelle entre l’insuffisance des déterminations primitives et les énergies organiques d’évolution mentale que nos pères sauvages, tout occupés de rêver au delà de la bête, ne pouvait distinguer encore d’une activité de pensée.

L’histoire humaine ne sera, sans doute, qu’un acte inachevé de l’immense aventure, puisque la durée requise pour la complète mise en scène de l’homme et de ses valeurs reste encore en deçà des risques d’une estimation.

À vrai dire la procédure mentale d’une « hypothèse » originelle est celle de toutes nos enquêtes de connaissance. Nous voulons connaître, mais nous ne connaîtrons véritablement qu’après l’épreuve de l’expérience dûment vérifiée. Nous commençons donc l’essai de la pensée par l’imagination qui ne s’embarrasse pas des faits et se confie au rêve sur la foi des apparences que l’observation ultérieure, plus précise, pourra, selon le cas, confirmer ou démentir. C’est ce qu’on appelle « l’hypothèse », la supposition, en expectative de positivité, attendant que l’expérience l’ait ou non, confirmée.

La religion gardera la légitimité de l’hypothèse non vérifiée, et loin d’en pâtir, l’imagination verra s’accroître le champ de ses grandes voies à base de positivité. Quelle misère des aspects du monde biblique tandis que le Cosmos harmonieux de la science nous éblouit de sa beauté !

Quant aux développements du labeur de compréhension positive issus d’une sensibilité en corps à corps avec les éléments de l’univers, que d’incohérences avant de s’y engager !