Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
AU SOIR DE LA PENSÉE

monde rien que ces « représentations »[1]. Prenons cette manifestation du phénomène telle qu’elle nous est offerte et voyons à quelle interprétations elle peut nous amener. Toutes activités mondiales réagissent aux surfaces sensibles en des compositions de correspondances avec toutes modalités de nos sensations. On ne nous parle généralement que des images[2] qui figurent, en effet, le plus vif du phénomène, parce que le sens de la vue y apparaît dominant. Puisque l’ensemble est tout de vibrations analogues, apparues dans le sens visuel en une figure d’observation perceptible comme sur une plaque photographique, je ne puis qu’accepter la commune formule, toutes explications données.

Il est donc reconnu pour constant que sur toutes surfaces impressionnables, c’est-à-dire sensibles à quelque degré, des torrents d’images s’écoulent comme ces flambées d’étincelles que le soleil allume sur la mer pour les éteindre aussitôt et les rallumer indéfiniment. Ces images, développées selon les moyens d’une chimie de sensibilisation, la photographie ne fait qu’en révéler le tableau préalablement inscrit sur la paroi nerveuse par les vibrations d’ondes qui s’irradient, se superposent ou se traverse dans tout les sens. D’invisibles passages de ces figurations, qu’aucun réactif n’a fait apparaître, se succèdent ainsi partout, aux surfaces diversement sensibles, sériant des révélations qui nous permettraient, si nous pouvions les faire inversement reparaître, de reconstituer le film au rebours d’une histoire des mouvements des choses depuis toujours.

Mais voici qu’un autre ordre de considérations se présente. Ces ondes vibratoires ne sont pas seulement de lumière. Elles sont, au même titre, d’électricité, de magnétisme, de chaleur, de son, c’est-à-dire de tout dynamisme, réagissant, chacun à sa manière, sur nos tables sensorielles. La physique moderne en est à n’y plus voir que des modalités du mouvement éternel.

  1. Le télescope ne nous offre que des images d’astres. Cela ne suffit-il pas pour en inférer les réalités de leur existence et de leurs mouvements ?
  2. Le mot de représentation serait plus exact, car il peut s’appliquer aux réactions de tous les sens. Je maintiens le mot image, parce qu’il se rencontre dans les ouvrages sur la matière, et que la compréhension s’en trouve simplifiée. La phénoménologie doit être nécessairement de même ordre pour toutes les sensations dérivées des ondes vibratoires.