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AU SOIR DE LA PENSÉE

sonnification la plus haute de la nature sous sa double face cruelle et bienfaisante à la fois[1].

On voit comment font peu à peu leur chemin, par des voies convergentes, les interprétations que les symboles ont charge de fixer. Il y a tant de marge ici pour l’évocation que, lorsque je vis, pour la première fois, au Louvre, le symbole de la Tanit carthaginoise — triangle isocèle surmonté d’une, barre transversale[2] sur laquelle repose le globe solaire — je n’eus point d’hésitation à y reconnaître le schéma d’une silhouette féminine. De même, Renan, en Phénicie, y pensa discerner une femme en prière. Et, de fait, la transformation ne s’est pas fait attendre aux cippes gréco-pélasgiques, d’où dérive la fameuse Artémis d’Éphèse aux innombrables mamelles.

Pendant ce temps, la croix ansée avait gagné la Mésopotamie, tandis que les premiers chrétiens d’Égypte l’inscrivaient sur leurs temples pour se distinguer des coreligionnaires qui arboraient la croix grecque ou la croix latine.

Trop longue serait l’histoire, même la plus brève, du globe ailé, qui, de l’Égypte, avec son scarabée volant, a gagné toute l’Asie. Quel que soit le symbole du soleil, on le verra glisser successivement jusqu’à la figuration du Dieu suprême pour généraliser le culte d’une Providence cosmique. L’étude des migrations des symboles a montré que l’Inde de nos pères Aryens, après l’exode du Pamir et longtemps avant les Grecs d’Alexandre, avait reçu des vallées du Nil et de l’Euphrate, à travers l’Assyrie et la Perse, un fond d’idées cultuelles primitives qu’elle a personnellement développé.

L’auréole de nos saints, venue d’Assyrie[3] et figurant le

  1. Telle la Kali de l’Inde.
  2. Ce pourrait être, comme j’ai déjà dit, un idéogramme de la terre. Les crochets qui terminent la barre à chaque bout, dans certaines images, figureraient les bras de l’idole, la tête étant représentée par la sphère solaire. N’y eut-il pas là une consciente dérivation de l’image ? Les lignes schématiques du symbole coïncidant avec la simplification d’une image féminine, il ne fut pas même besoin d’une bonne volonté trop accommodante pour y voir une représentation de la Déesse. L’examen attentif de plusieurs figurines semble bien corroborer cette idée. On saisirait sur le fait l’événement de la figuration des Dieux.
  3. Les Dieux vivent dans le soleil. C’est pourquoi une tache de peinture rouge sur une pierre suffit encore à la diviniser pour l’émotif indien de nos