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AU SOIR DE LA PENSÉE

effet, que celle de la Voie Lactée. L’histoire d’un grain de sable vaut celle d’Antarès. Aventure d’une fleur, aventure d’un monde aussi bien que d’une pensée. Toute l’affaire est de savoir si nous devons nous en tenir à l’humaine stupeur pour nous abîmer dans une impuissance acceptée, ou mesurer l’obstacle du regard, avant de nous y essayer. Que les uns s’affaissent et que les autres rebondissent, la noble continuité de nos efforts dans le champ de l’expérience a désormais fixé d’une manière définitive la passagère grandeur de notre destinée.

L’intime corrélation des phénomènes cosmiques entraîne nécessairement les correspondances de leurs évolutions manifestées par des changements d’aspects révélateurs d’une succession d’états coordonnés. L’interprétation de ces changements d’aspects, à partir de « la nébulosité générale antérieure », fut le point de départ de Laplace[1]. Qu’on ne s’étonne pas s’il reste une assez grande marge pour les vues d’Herschell sur le développement des nébuleuses stellaires. Bienvenues toutes critiques pour l’incessant : contrôle d’une connaissance toujours renouvelée, toujours accrue.

La simple histoire de notre planète, telle que l’observation nous la fait apparaître, est désormais d’une appréciable clarté. Nous voyons, dans la succession des siècles, les sédiments s’ordonner et les premières manifestations de la vie s’y inscrire, en des formes de corrélations, à mesure que le refroidissement s’accomplit. Et tandis que la planète, grouillante de vies en batailles, nous emporte dans l’indifférence de l’espace et du temps, il se découvre que : l’atome se précipite, comme les astres eux-mêmes, dont il est l’élément, à des correspondances d’évolutions.

La « stabilité » du système solaire, et même du Cosmos, ne peut être que d’un ordre de mouvements selon des courbes incalculées où les rencontres d’astres, lancés en projectiles, ne seraient, elles-mêmes, que des manifestations ordonnées dans lesquelles se trouvent incluses les gestations de l’univers pensant[2]c.

A ne considérer que la perte de chaleur solaire et ses effets

  1. L’idée de la nébuleuse primitive est de Leibnitz, reprise et perfectionnée par Kant et par Laplace.
  2. J’entends par ce mot les coordinations indéterminées des phénomènes cogitatifs répandus, selon toute apparence, dans les parties du monde où se rencontrent passagèrement des conditions de vies plus ou moins achevées.