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COSMOLOGIE

sur la planète où se déroulent nos évolutions de pensées, Helmholtz ne donnait plus au devenir de notre terre que six millions d’années dont il serait à craindre que les dernières ne nous réservassent des ennuis. J’ai dit que les géologues exigeaient pour la formation de nos couches fossilifères environ de 100 à 200 millions d’années. Helmholtz se serait contenté de 10. « Il semble probable, conclut Arrhénius[1], que c’est plutôt 1 000 millions d’années qu’il faudrait leur supposer ». Nos neveux, lointains, se trouveront ainsi d’avance avoir été prévenus.

La matière stellaire nous paraît de tous points comparable à la nôtre, et les étoiles, de constitution physique et de composition chimique semblables à celles de notre monde, nous révèlent des phases d’évolution correspondant à celles que nous avons offertes ou sommes en voie d’offrir. Le spectroscope stellaire élargit prodigieusement cette vue. Sirius à 23 trillions de lieues, Aldébaran à 32 trillions, nous font voir nos métaux familiers à des degrés de température qu’il n’est pas impossible de chiffrer, de comparer. Des étoiles s’allument, grandissent, décroissent et disparaissent, ordinaires incidents de l’infinité. Les météores, les poussières cosmiques, nous avertissent qu’il y a partout des éclats du Cosmos attestant des catastrophes d’astres dont nous ne pouvons connaître que de lointains effets. L’hélium se découvre dans le soleil vingt-six ans avant d’être rencontré sur la terre. Une raie spectrale verte nous décèle dans la nébuleuse un gaz inconnu. Pourquoi ne pas l’appeler le nébulium ? C’est fait. D’autres encore ont reçu des noms, faute de mieux.

« Nous avons des raisons de croire, écrit Arrhénius, que le soleil qui est aujourd’hui une étoile jaune, fut jadis une étoile blanche, comme le splendide Sirius, et qu’il s’est graduellement refroidi jusqu’à son apparence actuelle ; qu’enfin, il viendra un jour où il émettra une lumière rouge comme Bételgeuse. Il ne répandra plus, alors, qu’un septième environ de la chaleur qu’il envoie maintenant dans l’espace. Il est probable que longtemps avant que ce moment n’arrive, la terre ne sera plus qu’un désert glacé ». C’est par de telles inductions, plus ou moins hasardeuses, que se relie l’histoire hypothétique des étoiles aux points de repère du soleil. Des évaluations de possibilités devancent

  1. L’Évolution des Mondes.