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COSMOLOGIE

On ne sait pas assez que le désintéressement supérieur donne des contentements plus affinés que ne peut faire l’intérêt personnel le plus savamment travesti.

Ce qui nous distingue les uns des autres, dans les rencontres de l’univers, c’est la façon de réagir aux contacts du monde extérieur. Réagir en faiblesse ou en force, voilà tout le problème. L’inertie des méconnaissances peut faire le charme, moins que médiocre, d’un état voisin de l’animalité. La noblesse des mouvements d’abnégation exigera d’autres labeurs. Le fidèle, qui ne peut s’élever au-dessus d’une mentalité de sujétion continue, se voit condamner à l’unique ressource d’excéder l’inconnu d’implorations, de marchandages d’égoïsmes, aussi fâcheux pour lui-même que pour sa Divinité. Nécessité de subir, ou tentatives de faire, telle est l’alternative qui s’offre aux décisions de notre personnalité.

Toutes les sollicitations des choses viennent, cependant, s’offrir aux intelligences capables de s’assimiler les rapports mouvants des coordinations élémentaires. Les esprits de robustesse auront assez à faire de constituer, de développer leur vie autrement que la plupart de leurs compagnons d’existence. Ne peut-on se faire, dans la concurrence universelle, un abri personnel d’impersonnalité ? Pourquoi donc faudrait-il que le dévouement se heurtât, sans relâche, aux folles résistances des créatures en péril de méconnaissances, comme c’est le cas parfois du sauveteur, dans l’affolement du naufragé ?

Malgré tout, les lentes évolutions d’intelligences et de caractères ne seront pas empêchées. L’élite véritable ne fléchira pas dans son obstinée résolution de connaître, rassemblant pour l’effort, même honni, toutes énergies au-dessus des récompenses de ce monde ou de l’autre. De quelque nom qu’il se pare, le reste ne vaut pas l’honneur d’être nommé.

Les faibles qui se contentent d’une adhésion verbale aux formules dogmatiques, hors de toute réaction de personnalité pensante, n’ont d’autre objet que la faveur des moindres avec des déguisements « d’honneurs » qui cachent mal des redditions de consciences. Impassible, le penseur solitaire répudiera la dogmatique recommandation d’ignorance, et voudra pousser ses enquêtes du monde et de lui-même dans toutes les directions. Si je dois me résigner au fait trop criant que beaucoup