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au soir de la pensée

vents[1]. Tâchez de concevoir l’incalculable durée qu’exigèrent de pareils changements.

Ajoutez que, dès l’initiale période du primaire, la vie s’est manifestée dans ses premières formations, mais avec une intensité d’énergie qui annonce, pour son début, une prise de possession du globe par la vertu de la masse et du nombre, avant qu’une coordination de complexités nouvelles ait fait aux organismes Supérieurs la place qui leur est due.

Les études sur la constitution des roches, avec leurs explications physico-chimiques n’auraient que faire ici. Les premières agglomérations volcaniques sont demeurées étrangères aux formations de la vie, tandis que les eaux chaudes sédimentaires nous ont légué le témoignage des plus anciennes apparitions d’êtres vivants. Les premiers animaux, sans consistance, ne pouvaient nous laisser d’empreintes. On croit en distinguer quelques-unes dans les terrains d’origine, dits archéens. J’écarte la question de temps. C’est le facteur éminent de toutes les transformations concevables. La difficulté d’accommoder la durée des époques géologiques (aussi bien que la distance des étoiles) à la misère même de nos imaginations, nous met dans le cas de jongler avec des millions, et même des milliards de siècles. Le plus sage est simplement de nous dire que le temps n’entre pas dans le compte des phénomènes.

Aux étages postérieurs du terrain primaire, l’enchantement va surgir des grandes forêts carbonifères, sans l’apport desquelles notre présente civilisation ne pourrait pas exister. Et, déjà, tout un monde animé se présente, pour prendre sa part, avec la flore et la faune de l’ère secondaire, des innombrables catastrophes de territoires et de mers par lesquelles vont se faire, se détruire et se refaire des configurations changeantes de continents sans histoire, sans même la fumée d’un nom. Arrêtez vos regards sur les esquisses qu’on a pu nous tracer de la géographie terrestre aux époques primaire et secondaire, encore si éloignées de la géographie actuelle, et admirez l’éblouissante puissance, le roman féerique de cette minuscule planète,

  1. Aux réceptacles du sommet de nos arbres décapités, dits tétards, regardez l’épaisse couche d’humus qui s’accumule en quelques années pour les commodités d’une végétation parasitaire où se distingue communément l’églantier.