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gion, de s’enfoncer, sans daigner discuter, dans le domaine nouveau de l’émancipation absolue :


C’est à l’homme aujourd’hui que notre âme dévoue
Les saintes facultés que nous donnions à Dieu.

Il appelle la révolution, salue le progrès contemporain, et ramène toute espérance en la femme, l’amour.

Le livre premier : l’Art et l’Histoire, est dédié, par ce sonnet d’un hiératisme libertaire,

À Edgar Quinet


La baguette du temps frappe le jour nouveau
Au fond de l’avenir où tout enfant il joue ;
Souriant au destin, il se lève et secoue
La brume et le brouillard qui chargent son manteau.

L’aurore, en rougissant, l’embrasse, puis dénoue
L’or roux de ses rayons sur son front jeune et beau.
Il part ; et l’univers sort, comme d’un tombeau,
De la profonde nuit qui s’azure et se troue.

Ainsi, ta main hardie et sereine a placé
Les clartés du savoir et de la poésie
Dans notre âpre chemin, que l’ombre avait glacé.

Tu fis vibrer les cœurs du verbe de la vie
Dont le charme éternel réveille les esprits.
L’âme de l’avenir habite en tes écrits.


Se voulant immuable dans son activité, il affermit encore son geste déterminé, sa pensée virile d’où il chasse la rêverie, et les vers même se font rigides, toute la vigueur du poète se rallie autour de sa conception :


Tandis que le troupeau des âmes insensées
Confusément se rue à l’assaut de demain,
Toi, ne laisse jamais l’essaim de tes pensées
Rôder dans les buissons qui bordent ton chemin.

Sous le fouet des désirs, qui gouvernent la foule,
Comme un fier étalon cabre ta volonté,
Et, bravant le torrent du destin qui s’écoule,
Assieds-toi fortement dans ta sérénité.


De ce point fixé, en une page résolue qu’il faudrait citer entière, l’austère poète se retourne vers l’autre des pôles de la pensée : le passé, qu’il faut respecter. Une âme profondément naturelle, humaine, peut-elle ne pas entendre frémir les cantiques lointains d’une ère qui n’est plus ? Il les évoque même, ces âges primitifs du jeune soleil, des aurores aux rayons plus certains, où

La conquête des dieux envahissait les âmes.


Les peuples écoutaient les poètes, la vie adolescente pétillait d’ardeur et de croyance… et, le sujet antique y aidant, le vers fraternise avec celui de Leconte