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joseph de maistre.

que lui préoccupé de se faire connaitre. Ses œuvres complètes ne fournissent que bien peu de lumière sur ce que furent son enfance et sa jeunesse : quelques rares lettres sauvées par hasard, quelques passages de ces ouvrages évidemment inspirés, sans qu’il en eût peut-être conscience, par les impressions profondes et ineffaçables des premières années.

Ce Savoyard, épris de ses montagnes et si attaché à la dynastie nationale du vieux duché de Savoie, n’était pas de sang allobroge. Son père, François-Xavier Maistre, né dans le comté de Nice d’une famille qui paraît originaire du Languedoc, était magistrat depuis quelques années déjà quand un décret du roi de Sardaigne l’envoya, en 1740, siéger au sénat de Savoie. Ce sénat était une cour souveraine ayant à peu près les mêmes attributions que nos anciens parlements. Il rendait la justice en dernier ressort et possédait le précieux droit de remontrance, qui faisait de lui une sorte de pouvoir pondérateur de la puissance royale. Le sénateur Maistre était un homme intègre, d’un caractère droit et ferme, d’un jugement sûr. Son visage, dont un buste du temps nous a conservé les traits, a quelque chose de sévère, de presque dur. Il appartenait à l’école de ces magistrats d’autrefois, qui se faisaient une si haute idée de la dignité et des devoirs professionnels, un point d’honneur de ne jamais céder. Chargé par le roi, de concert avec le premier président Salteur, de rédiger les royales constitutions, vaste com-