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sa jeunesse.

catholique était la meilleure des religions, la monarchie traditionnelle des rois de Sardaigne la meilleure des monarchies, et le petit monde, sage, vertueux où il vivait, le meilleur des mondes possibles. Son originalité fut de devenir le théoricien d’un état social qui n’était qu’un incident dans l’histoire de l’humanité, de croire et de professer que cet état social était l’ordre nécessaire et universel conçu par Dieu pour le gouvernement des hommes. Au fond, cet esprit à large envergure est resté toute sa vie sous le charme des images qui ont séduit son enfance et sa jeunesse. Dans les traditions de presque tous les peuples, on trouve le mythe de l’âge d’or. Les individus sont comme les peuples. Ils poétisent les souvenirs de leurs premières années. Ils parent des plus charmantes couleurs les lieux, quels qu’ils soient, qui ont frappé leurs yeux s’ouvrant à la lumière.

III

L’influence de Rousseau était si générale à la fin du dernier siècle que nul ne pouvait s’en dégager entièrement, même dans les milieux où l’on était le moins accessible aux doctrines du philosophe de Genève. Le premier écrit de Joseph de Maistre, qui devait avoir une manière si personnelle, semble être un pastiche de celui qu’il combattit plus tard si ardemment. C’est un discours prononcé, en 1775,