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joseph de maistre.

depuis Pythagore. « Tu dis, réplique Joseph de Maistre, que ce prophète te paraît tantôt sublime, tantôt hérétique, tantôt absurde. Le premier point ne souffre point de difficulté. Je nie formellement le second et je m’engage à soutenir son orthodoxie sur tous les chefs Sur le troisième point, je n’ai rien à te dire, ou, si tu veux, je te dirai qu’il est très certain qu’avec une règle de trois on ne peut pas faire un ange, ni même une huître ou un savant du café de Blanc. Ainsi le prophète est fou, s’il a voulu dire ce que tu as cru : mais s’il a voulu dire autre chose ?… »

À Chambéry, il n’y avait pas de Martinistes. L’illuminisme n’y était représenté que par des francs-maçons, auxquels Maistre s’affilia de bonne heure. À cette époque, la maçonnerie n’avait pas encore attiré les foudres de l’Église. Les hommes des familles les plus distinguées de Savoie, les femmes du meilleur monde, les membres du clergé eux-mêmes assistaient volontiers aux réunions de la loge des Trois-Mortiers ou de celle de la Parfaite Union. Maistre ne dépassa pas le vestibule du temple de Jérusalem, bien qu’il eut été investi de la dignité de « Grand Orateur « à la Parfaite Union. Si inoffensive que fût son action, cette loge attira pourtant la défiance de l’autorité. Le gouvernement sarde crut y voir un foyer d’idées subversives. Le « Grand Orateur » fut député à Turin pour plaider la cause de ses frères auprès du roi. Il fut écouté avec bienveillance et crut avoir convaincu Sa Majesté de l’ina-