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LES CAHIERS

Ce beau châle me venait du château impérial où j’avais été en sauvegarde. La dame me demanda si j’étais marié ; je lui dis : « Oui, Madame. — Je vous ferai un cadeau pour votre épouse, pour votre conduite avec mon mari. »

Nous nous dirigeâmes sur la belle ville de Nancy, et de Nancy à Épernay. On détacha le premier bataillon au bourg d’Ay, à une lieue d’Épernay : c’est là qu’on récolte le vin mousseux, cette ville est très riche par le produit de ses vins ; il y avait quinze ans qu’ils n’avaient logé de troupes. Il n’est pas possible d’être mieux reçu que nous ; ils ne voulurent pas que la garde dépense rien ; ils se chargèrent de tout défrayer : « Vous ne boirez pas de vin mousseux, dirent-ils, mais ce soir nous verrons. Soyez tranquilles, vous serez régalés. » Le soir, après dîner, le vin mousseux arrive, et les propriétaires furent obligés de mener leurs soldats coucher, en les conduisant par-dessous les bras ; ils n’avaient plus de jambes. Le lendemain, tous les propriétaires nous firent la conduite avec leurs domestiques qui portaient des paniers de vin, et nos officiers furent obligés de prier ces braves gens de s’en aller. Nos ivrognes tombaient dans les fossés ; c’était un désordre ; il fallut trois heures de repos dans la plaine, à deux lieues d’Épernay, pour donner le temps de rejoindre, et les propriétaires d’Ay furent obligés de ramasser et de ramener nos traî-