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une patricienne, elle prétextait tantôt un peloton de laine oublié dans sa chambre, tantôt une migraine subite qui la forçait à aller respirer l’air, tantôt des lettres pressées à écrire ; alors Aglaé restait seule avec l’Italien ; ceux qui traversaient le salon constataient le tête-à-tête mais se gardaient de le troubler.

Dans ces entrevues prolongées que le marquis poitrinaire glaçait au début par sa stupeur silencieuse, Aglaé déploya toutes les ressources de la science féminine pour enguirlander, suivant l’ingénieuse expression russe, le bel Italien. Elle en vint même, le caressant dans son patriotisme, la seule passion qu’il sentît encore, à faire des vœux pour l’indépendance de l’Italie et pour la chute de l’Autriche, elle qui ne rêvait, à l’exemple de son mari et de son beau-père, que le rétablissement de tous les anciens privilèges du droit divin et de la noblesse.

Un homme est toujours flatté, sinon ému, des câlineries d’une jeune femme ; quand il est mourant et ne peut plus songer à l’amour, il se plaît à une illusion qui fait courir en lui quelques effluves de vie.

Deux fois par jour, le matin à neuf heures, l’après-midi à quatre heures, tous les buveurs d’eau se rencontrent invariablement à l’établissement thermal qui s’ouvre sur une terrasse ombragée de platanes ; là sont des bancs où l’on s’assied, et par les chaudes