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ix
préface

sont d’un entraînement moins facile et partant d’une nature plus chaste ? — La beauté physique de l’homme est devenue aussi rare que l’a toujours été sa beauté morale, et à celles qui, l’exigent pour s’abandonner au vertige de l’amour, moins d’occasions sont offertes de faillir comme les déesses et les patriciennes antiques. Quoi qu’il en soit, ce livre fut déclaré impur et l’auteur voué au mépris. De ces arrêts de la calomnie, prononcés en se jouant, sort parfois la ruine et le désespoir d’un écrivain. Mais qu’importe cette immolation aux juges frivoles d’un tribunal éphémère !

Je me souviens que j’étais à Venise dans la grande salle de l’Académie des beaux-arts, où se trouve l’Assunta du Titien. Assise en face de ce tableau, je contemplais avec ravissement le groupe admirable que forment les apôtres éperdus : la tête renversée, saisis d’un effarement douloureux, ils tendent leurs bras et leurs regards vers la mère de Jésus, prête à disparaître dans le ciel. Quels mouvements ! quelles attitudes suppliantes et na-