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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/196

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— On lit ces fières pensées sur le fier visage de Stella, répondis-je au Vénitien.

— Rien de ce qui tient à l’art ne lui est étranger, reprit-il, elle compose de la musique, fait des vers italiens et dessine de mémoire les lieux et les êtres qui l’ont frappée.

— Vous l’aimez bien ?

— Si entièrement que je l’épouserai le jour où un vieil oncle me fera son héritier ; en attendant je suis forcé de la laisser au théâtre.

— Il me semble, repris-je, que la première danseuse diffère complètement de votre belle amie ?

— La danseuse Zephira, répliqua-t-il, n’a ni cervelle ni cœur ; mais elle est fort méchante et gouverne l’impresario, tout en menant par le bout du nez ce pauvre comte Luigi. Ma chère Stella la ménage pour s’éviter des tracasseries au théâtre.

En devisant de la sorte, nous arrivâmes au consulat français. Le consul était sorti ; la gondole se remit en marche à travers le dédale des canaux et nous déposa bientôt devant le palais qu’habitait la prima donna.

Nous trouvâmes Stella au piano, repassant un rôle qu’elle devait jouer pour la première fois le lendemain ; en apercevant son amant, même avant de me saluer, elle lui sauta au cou avec ce laisser-aller de cœur des Italiennes qui m’a toujours ému ; puis se tournant vers moi, elle me tendit la main, en me disant :

— Oh ! c’est très-bien, signor d’être venu me voir !