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PROMENADE EN HOLLANDE.

ont fourni le modèle ; ces voitures, depuis Bruxelles jusqu’à Amsterdam, s’appellent toutes des vigilantes. Le nom est l’hyperbole de la chose, car jamais je n’ai usé de véhicules d’une plus irritante lenteur. Je m’en accommode assez pour visiter le canal de construction, dont les bassins font penser à ceux du Havre, le port encombré de maisons, et les bords de l’Escaut, qui, par ce ciel gris de plomb, m’a rappelé la mélancolie de la Tamise. La nuit arrive promptement et je remets au lendemain la visite du musée et des églises, que Rubens remplit de son nom et de sa gloire.

Le lendemain, la pluie ne cesse pas et le temps est encore plus sombre ; mais les toiles de Rubens ont un tel éclat, son coloris est si vivace, un si grand rayonnement s’en échappe, que ses tableaux, pour ainsi dire, s’éclairent eux-mêmes. Le musée d’Anvers, construit dans un jardin, a un péristyle à l’antique ; on monte un large escalier et l’on arrive dans les salles, où deux ou trois amateurs copient les chefs-d’œuvre du maître. Je refuse un livret et un guide : j’aime à aller à l’aventure et à trouver moi-même le but de mon admiration. Dans la première salle, je suis attirée par un Calvaire de Rubens : dans la contorsion nerveuse des deux larrons se manifestent les qualités outrées du peintre ; un soldat perce le Christ d’une lance ; la Madeleine éplorée qui est au pied du crucifié est d’une grande